- 2014 -

Exposition au galerie Musaï
- Tokyo

Un air et ses divers variations

"Un air et ses divers variations"

pigment et résine acrylique, papier, panel
30 × 30cm chaque

Un air et ses divers variations
  1. D’abord, deux airs fabuleux sont au début et à la fin.
  2. Et le corps en trente variations;
  3. Quinze variations pour la première moitié et quinze variations pour la deuxième moitié.
  4. La seizième variation marque le début de la deuxième moitié par une somptueuse ouverture française.
  5. Sol mineur pour trois variations: la quinzième, la vingt-unièmes et la vingt-cinquième ; tout le reste est en sol majeur.
  6. Ce qui il y a comme piliers entre les deux intervalles, ce sont celle au numéro d'un multiple de trois: la troisième, sixième, neuvième, douzième, quinzième, dix-huitième, vingt-unetième, vingt-quatrième, vingt-septième; tous en canons.
  7. Parmi elles, les douzièmes et quinzièmes variations sont des canons en mouvement contraire.
  8. La trentième variations est à la place du dixième canon “Quod libet”, qui appelle l’air du début.
  9. Cette œuvre est composée de trente-deux morceaux, et à l’exception de quatre morceaux, le nombre de mesures de chaque variation est également de trente-deux.
  10. Toutes les morceaux sont en sol.



Voilà la construction des « Variations Goldberg » de Jean Sébastian BACH.

Ce que j’expose cette fois-ci n'est pas une simple traduction picturale de cette musique - par ailleurs impossible - : si nous pouvons embrasser d'un seul regard ce que nous donne à voir ces trente-deux peintures, le charme musical se trouve dans chacune des sons qui apparaissent pour disparaître une à une au fil des cinquante minutes.

Honkadori est une technique de Waka poème japonais: une transformation reproductive d’ un poème ancien connu de tous, établie par Shunzei FUJIWARA et son fils Teïka, et à la mode à l’époque de l'anthologie impériale de poésie waka, le Shin-kokin-wakashû.

Teïka FUJIWARA raconte dans son livre les principes de cette technique. Notamment celui du détournement: si le poème original est consacré au printemps, sa transcription portera ob ligatoirement un thème différent : l'hiver, ou l'amour, par exemple.

Le nouveau poème, étant un clin d'œil à l’ancien, joue naturellement un rôle évocateur; ce qui contribuera à des multiplications d’ images, comme un ensemble riche avec les correspondances incessantes de la variation avec son original. Je ne serais jamais si heureux si vous pouviez percevoir en mes tableaux la sonorité : en effet, c'est une révélation de la chose absente.

Exposition au Théâtre municipal
- Bastia, France

Maria Ghjentile

"Maria Ghjentile"

pigment et résine acrylique, papier, panel
45 × 45cm chaque

Maria Ghjentile

Maria Ghjentile, par Takaki Takino




Takaki Takino appelle Maria Ghjentile : Maria Ghjentile. Cela m’attendrit.
Il travaille sur le sujet depuis près de deux ans et cette composition de plusieurs toiles est destinée à ne former qu’une seule œuvre.

Nous avions déjà exposé dans le péristyle du théâtre de Bastia et à l’Espace Diamant, à Ajaccio, une première série de douze toiles. Takaki était présent à Bastia, mais il regagna le Japon et avait donné des instructions précises à Claudia Battesti pour la manière d’accrocher ses toiles à Ajaccio. Nous les avions suivies à la lettre.

Il m’avait envoyé les photos des œuvres qu’il se proposait d’exposer à Poghju d’Oletta et, par un effet du hasard, de la distraction, du manque d’intelligence du fonctionnement de ces choses-là, je veux dire des ordinateurs, je n’avais pas vu le « dossier « qui les enfermait.

Je proposai plusieurs textes à Takaki pour essayer de le faire découvrir au public de Poghju. Le jardin de pierres devenu jardin de lune ou A quoi rêve Takaki Takino ? C’était des extraits de notre correspondance. Je sentais une légère réticence et presque une incompréhension de la part de mon ami. Il parvint enfin surmonter son embarras, à formuler son souhait… et je découvris enfin les neuf tableaux.

Il y a une forme d’austérité raffinée dans l’œuvre de Takaki. Rien n’est spectaculaire. Pourtant c’est un art abouti. Que voit-on? Car Takaki crée une œuvre qui ne se laisse pas saisir au premier regard et qu’il faut pourtant embrasser d’un seul coup d’œil, avant d’entrer dans les détails de la composition. Cette tension tragique qui est au cœur de l’histoire de Maria Ghjentile fait son irruption ici avec la couleur : ce bleu qui tire sur le violet, ce bleu presque brûlé de noir du cinquième tableau.

Et autour ? Il ne faut pas se fier à la douceur des couleurs délavées. Il y a une intensité qui s’insinue, va s’affirmant, et, au fil des tableaux, dont il faut suivre l’ordre, les trouées violentes du jaune cru, puis cette ombre bleue, qui semble s’étendre sur les toiles, peser sur elles pour métamorphoser à la fin, les premières que nous avons vues, en aquarelles obscures, fragmentées, dont les plis du papier japonais, affleurant à la surface de cette toile, désormais froissée, multiplient les accidents de la peinture, les variations colorées, les éclaboussures savantes, comme une ponctuation poétique. Le rythme de la tragédie est saisi sur le vif.


Marie Ferranti